Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.

est un monde supérieur, peuplé d’anges. Le principal de ces anges est l’ange glorieux, sorte de démiurge ou de Logos créé, créateur à son tour du monde visible ; celui-ci n’est qu’une imitation manquée du monde supérieur. Apelle évitait ainsi le dualisme de Marcion et se plaçait dans une situation intermédiaire entre le catholicisme et la gnose. Il corrigeait réellement le système de Marcion et donnait à ce système une certaine conséquence ; mais il tombait dans bien d’autres difficultés. Les âmes humaines, selon Apelle, faisaient partie de la création supérieure, dont elles étaient déchues par la concupiscence. Pour les ramener à lui, Dieu a envoyé son Christ dans la création inférieure. Christ est venu ainsi améliorer l’œuvre manquée et tyrannique du démiurge. Apelle rentrait ici dans la doctrine classique du marcionisme et du gnosticisme, selon laquelle l’œuvre essentielle du Christ a été de détruire le culte du démiurge, c’est-à-dire le judaïsme. L’Ancien Testament et le Nouveau lui paraissent deux ennemis. Le Dieu des juifs, comme le Dieu des catholiques (aux yeux d’Apelle, ces derniers étaient des judaïsants), est un dieu pervers, auteur du péché et de la chair. L’histoire juive est l’histoire du mal ; les prophètes eux-mêmes sont des inspirés de l’esprit mauvais. Le Dieu du bien ne s’est pas révélé avant Jésus. Apelle accordait à Jésus un