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actif, les gnostiques écrivaient beaucoup, se lançaient hardiment dans l’apocryphe. Leurs livres, frappés d’abord de discrédit, finissaient par entrer dans la famille orthodoxe. L’Église acceptait bientôt ce qu’elle avait maudit d’abord. Une foule de croyances, de fêtes, de symboles d’origine gnostique devinrent ainsi des croyances, des fêtes, des symboles catholiques. Marie, mère de Jésus, en particulier[1], dont l’Église orthodoxe se préoccupait très peu, dut à ces novateurs les premiers développements de son rôle presque divin. Les Évangiles apocryphes sont pour une bonne moitié au moins l’ouvrage des gnostiques. Or, les Évangiles apocryphes ont été la source d’un grand nombre de fêtes et ont fourni les sujets les plus affectionnés de l’art chrétien[2]. Les premières images chrétiennes, les premiers portraits du Christ furent gnostiques[3]. L’Église strictement orthodoxe fût restée iconoclaste si l’hérésie ne l’eût pénétrée, ou plutôt n’eût exigé d’elle, pour les besoins de la concurrence, plus d’une concession aux faiblesses païennes.

    note de Cotelier sur Recogn., I, 45 ; l’inscription ci-après, p. 147.

  1. Voir la Pistis Sophia, à chaque page, surtout p. 19, 20, 39. L’exagération du culte de la Vierge est un fait avant tout syrien. Voir saint Éphrem, Carm. nisib., p. 29-30 (édit. Bickell).
  2. Voir l’Église chrétienne, ch. xxvi.
  3. Irénée, I, xxv, 6 ; Celse, dans Orig., VI, 30, 33, 34.