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simplicité. Elles gonflaient, si j’ose le dire, les récits historiques, légendaires ou évhéméristes de la Bible, pour les rapprocher du génie des fables grecques et orientales, auquel elles étaient habituées.

C’était, on le voit, tout le monde mythologique de Grèce et d’Orient qui s’introduisait subrepticement dans la religion de Jésus. Les hommes intelligents du monde gréco-oriental sentaient bien qu’un même esprit animait toutes les créations religieuses de l’humanité : on commençait à connaître le bouddhisme, et, quoiqu’on fût loin encore du temps où la vie de Bouddha deviendrait une vie de saint chrétien[1], on ne parlait de lui qu’avec respect[2]. Le manichéisme babylonien, qui représente au iiie siècle une continuation du gnosticisme, est fortement empreint de bouddhisme[3]. Mais la tentative d’introduire toute cette mythologie panthéiste dans le cadre d’une religion sémitique était condamnée d’avance. Philon le juif,

  1. Vie des saints Josaphat et Barlaam.
  2. Cf. Clément d’Alex., Strom., I, 15 ; Bardesane, De fato, p. 16-19 (Cureton) ; Porphyre, De abstin., IV, 17.
  3. Scythianus=Çakya ; Boudasf=Bodhisatva. Voir Hist. gén. des langues sémit., 1re édit., p. 250, 251, note ; Journal asiat., fév.-mars 1856, p. 255, 256 ; Mém. de l’Acad. des inscr., t. XVIII, 2e partie, p. 90, 91 ; Lassen, Ind. Alt., III, p. 397 et suiv. ; Weber, Ind. Skizzen, 63, 64, 91, 92. Les Actes de saint Thomas ressemblent singulièrement à un soutra bouddhique.