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apprivoisés (agathodémons) qu’ils tenaient dans des cages ; au moment de célébrer les mystères, ils ouvraient la porte au petit dieu et l’appelaient. Le serpent venait, montait sur la table où étaient les pains et s’entortillait à l’entour. L’Eucharistie paraissait alors aux sectaires un sacrifice parfait. Ils rompaient le pain, se le distribuaient, adoraient l’agathodémon et offraient par lui, disaient-ils, un hymne de louange au Père céleste. Ils identifiaient parfois leur petit animal avec le Christ ou avec le serpent qui enseigna aux hommes la science du bien et du mal.

Les théories des ophites sur l’Adamas, considéré comme un éon, et sur l’œuf du monde, rappellent les cosmogonies de Philon de Byblos et les symboles communs à tous les mystères de l’Orient[1]. Leurs rites avaient bien plus d’analogie avec les mystères de la Grande Déesse de Phrygie qu’avec les pures assemblées des fidèles de Jésus. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’ils avaient leur littérature chrétienne, leurs Évangiles, leurs traditions apocryphes, se rattachant à Jacques. Ils se servaient principalement de l’Évangile des Égyptiens et de celui de Thomas[2]. Leur christologie était celle de tous les gnostiques.

  1. Mém. de l’Académie des inscriptions, t. XXIII, 2e partie, p. 241 et suiv.
  2. Voir l’Église chrétienne, p. 513 et suiv.