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L’Église n’était, à leurs yeux, dépositaire que d’un minimum de vérité, strictement suffisant à l’homme ordinaire[1]. Eux seuls savaient le fond des choses. Sous prétexte qu’ils faisaient partie des psychiques et ne pouvaient manquer d’être sauvés, ils se donnaient des libertés inouïes[2], mangeaient de tout sans distinction, allaient aux fêtes païennes et même aux spectacles les plus cruels, fuyaient la persécution et parlaient contre le martyre[3]. C’étaient des gens du monde, libres de mœurs et de propos, traitant de pruderie et de bigoterie la réserve extrême des catholiques, qui craignaient jusqu’à une parole légère, jusqu’à une pensée indiscrète[4]. La direction des femmes, dans de telles conditions, offrait beaucoup de dangers. Quelques-uns de ces pasteurs valentiniens étaient de manifestes séducteurs ; d’autres affectaient la modestie ; « mais bientôt, dit Irénée, la sœur devenait enceinte du frère »[5]. Ils s’attribuaient l’intelligence supérieure et laissaient aux simples fidèles la foi, « ce qui est bien différent »[6]. Leur exégèse

  1. Pistis Sophia, dans les Comptes rendus de l’Acad. des inscr., 1872, p. 333, 334 (note de M. Revillout).
  2. Irénée, I, vi, Origène, In Ezech., hom. iii, 4.
  3. Tertullien, In Val., c. 30 ; Scorp., c. 1 et 10 ; Origène, l. c.
  4. Irénée, I, vi.
  5. Ibid., I, vi, 3.
  6. Clém. d’Alex., Strom., II, ch. 2, 6. Ce n’est probablement