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mollesse et de complaisance pour accaparer des cures d’âmes fructueuses et douces à la fois.

Les docteurs gnostiques avaient, dans cette chasse aux âmes, de grands avantages. Affectant une plus haute culture intellectuelle et des mœurs moins rigides, ils trouvaient une clientèle assurée dans les classes riches, qui éprouvaient le désir de se distinguer et d’échapper à la discipline commune, faite pour des pauvres[1]. Les rapports avec les païens, et les perpétuelles contraventions de police qu’un membre de l’Église était amené à commettre, contraventions qui l’exposaient sans cesse au martyre, devenaient des difficultés capitales pour un chrétien occupant une certaine position sociale. Loin de pousser au martyre, les gnostiques fournissaient des moyens de l’éviter. Basilide, Héracléon protestaient contre les honneurs immodérés rendus aux martyrs ; les valentiniens allaient plus loin : dans les moments de vive persécution, ils conseillaient de renier la foi, alléguant que Dieu n’exige pas de ses adorateurs le sacrifice de la vie, et qu’il importe de le confesser moins devant les hommes que devant les éons[2].

Ils n’exerçaient pas moins de séductions parmi

  1. Voir l’Église chrétienne, p. 140, 141, 168, 393, 394, et ci-dessus, p. 99 et suiv.
  2. Tertullien, Scorpiace, 1, 10.