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grande vogue. Les hérésies triomphaient presque toujours par leur condamnation même. Le gnosticisme en particulier était chassé de l’Église, et il était partout ; l’Église orthodoxe, en le frappant d’anathème, s’en imprégnait. Chez les judéo-chrétiens, ébionites, esséniens, il coulait à pleins bords.

Quand une religion commence à compter un grand nombre de partisans, elle perd pour un temps quelques-uns des avantages qui avaient contribué à la fonder ; car l’homme se plaît bien plus et trouve plus de consolations dans la petite coterie que dans l’Église nombreuse, où l’on ne se connaît pas. Comme la puissance publique ne mettait pas sa force au service de l’Église orthodoxe, la situation religieuse était celle que présentent maintenant l’Angleterre et l’Amérique. Les chapelles, si l’on peut s’exprimer ainsi, se multipliaient de toutes parts. Les chefs de secte luttaient de séduction sur les fidèles, comme font de nos jours les prédicateurs méthodistes, les innombrables dissenters des pays libres. Les fidèles étaient une sorte de curée que s’arrachaient d’avides sectaires, plus semblables à des chiens affamés qu’à des pasteurs. Les femmes surtout étaient la proie convoitée ; quand elles étaient veuves et en possession de leurs biens, elles ne manquaient pas d’être entourées de jeunes et habiles directeurs, qui renchérissaient de