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monuments les plus originaux de l’apologétique chrétienne au iie siècle.

L’ouvrage est intitulé Contre les Grecs. La haine de la Grèce était, en effet, le sentiment dominant de Tatien. En vrai Syrien[1], il jalouse et déteste les arts et la littérature qui avaient conquis l’admiration du genre humain. Les dieux païens lui semblent la personnification de l’immoralité. Le monde de statues grecques qu’il voyait à Rome ne lui donnait pas de repos[2]. Récapitulant les personnages en l’honneur de qui elles avaient été dressées, il arrivait à trouver que presque tous, hommes et femmes, avaient été des gens de mauvaise vie[3]. Les horreurs de l’amphithéâtre le révoltaient à meilleur droit[4] ; mais il confondait à tort avec les cruautés romaines les jeux nationaux et le théâtre des Grecs. Euripide, Ménandre, lui paraissaient des maîtres de débauche, et (vœu qui fut trop exaucé !) il souhaitait que leurs œuvres fussent anéanties[5].

  1. Γεννηθεὶς ἐν τῇ τῶν Ἀσσυρίων γῇ (§ 42), sans doute l’Adiabène. Cf. Epiph., Hær., indic. ad tom. iii libri I. Tatien parle, en effet, des persécutions comme quelqu’un qui n’est pas sujet de l’empire (§ 4). Le ton du § 1er est d’un homme étranger à la patrie gréco-romaine.
  2. Orat. adv. Gr., 35.
  3. Ibid., 33, 34.
  4. Ibid., 23.
  5. Ibid., 22, 23, 24.