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on les menaçait alors de se voir arracher les biens dont ils ne savaient pas faire un bon usage ; on leur appliquait le dicton : « Ce que les saints n’ont pas mangé, les Assyriens le mangent[1]. » L’argent des pauvres passait pour chose sacrée ; ceux qui étaient dans l’aisance payaient une cotisation aussi forte que possible ; c’est ce qu’on appelait « les contributions du Seigneur[2] ».

On poussait la délicatesse jusqu’à ne pas accepter dans la caisse de l’Église l’argent de tout le monde[3]. On repoussait l’offrande des cabaretiers et des gens qui pratiquaient des métiers infâmes, surtout celle des excommuniés, qui cherchaient par leurs générosités à rentrer en grâce. « Ce sont ceux-là qui donnent, disaient quelques-uns, et, si nous refusons leurs aumônes, comment ferons-nous pour assister nos veuves, pour nourrir les pauvres du peuple ? — Mieux vaut mourir de faim, répondait l’ébion fanatique, que d’avoir de l’obligation aux ennemis de Dieu pour des dons qui sont un affront aux yeux de ses amis. Les bonnes offrandes sont celles que l’ouvrier prend sur le fruit de son travail. Quand le prêtre est forcé de recevoir l’argent des impies, qu’il l’emploie à ache-

  1. Proverbe judéo-chrétien. Const., IV, 1.
  2. Αἱ κυριακαὶ συνεισφοραί.
  3. Constit. apost., IV, 6-10.