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n’exagère son rôle, d’instruction profane et de théosophie chimérique, de rationalisme et de foi, le livre ne pouvait satisfaire longtemps l’orthodoxie ; mais il convenait à une époque de syncrétisme, où les points divers de la foi chrétienne étaient mal définis. Il a fallu les prodiges de sagacité de la critique moderne pour reconnaître encore la satire de Paul derrière le masque de Simon le Magicien[1]. Le livre est, en somme, un livre de conciliation. C’est l’œuvre d’un ébionite modéré, d’un esprit éclectique, opposé en même temps aux jugements injustes des gnostiques et de Marcion contre le judaïsme et à la prophétie féminine des disciples de Montan[2]. La circoncision n’est pas commandée ; cependant le circoncis a un rang supérieur à celui de l’incirconcis. Jésus vaut Moïse ; Moïse vaut Jésus[3]. La perfection est de voir que tous deux ne font qu’un, que la nouvelle loi est l’antique, et l’antique la nouvelle. Ceux qui ont l’une peuvent se passer de l’autre. Que chacun reste chez soi et ne haïsse pas les autres.

C’était, on le voit, l’absolue négation de la doc-

  1. Dans les Recognitiones, ce sont plutôt les erreurs du gnosticisme qui se laissent apercevoir derrière le nom abhorré de Simon.
  2. Hom., xi, 35 ; xvii, 13 et suiv.
  3. Cette doctrine est adoucie dans les Recognitiones.