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ses guerres sanglantes, est un prophète déjà bien inférieur. Les autres prophètes furent moins encore de parfaits Adam-Christ[1]. La philosophie grecque, de son côté, est un tissu de chimères, une vraie logomachie[2]. L’esprit prophétique, qui n’est autre chose que l’Esprit Saint manifesté, l’homme primitif, Adam tel que Dieu l’avait fait, est apparu alors en un dernier Christ, en Jésus, qui est Moïse lui-même ; si bien qu’entre l’un et l’autre il n’y a point de lutte ni de rivalité. Croire en l’un, c’est croire en l’autre, c’est croire en Dieu. Le chrétien, pour être chrétien, ne cesse pas d’être juif (Clément se donne toujours ce dernier nom ; lui et toute sa famille « se font juifs »[3]). Le juif qui connaît Moïse et ne connaît pas Jésus ne sera pas condamné s’il pratique bien ce qu’il connaît et ne hait pas ce qu’il ignore. Le chrétien païen d’origine, qui connaît Jésus et ne connaît pas Moïse, ne sera pas condamné s’il observe la loi de Jésus et ne hait pas la loi qui ne lui est point parvenue[4]. La révélation, du reste, n’est que le rayon par lequel des

  1. Epiph., xxx, 15. Idée commune aux esséniens et à Philon. De là toute cette littérature pseudépigraphe, se rattachant aux patriarches et prétendant renfermer le texte de la révélation primitive, qui naît vers l’époque de notre ère. Voir ci-après, p. 135.
  2. Homél., ii, 6-8 ; iv, v, vi.
  3. Ibid., v, 2 ; xx, 22 (ἰουδαίους γεγενημένους).
  4. Ibid., viii, 5-7.