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buts, de sa providence, du mal considéré comme épreuve et comme source de mérite pour l’homme[1], à la façon de Cicéron ou d’Épictète. Esprit lucide et droit, opposé aux aberrations montanistes[2] et au quasi-polythéisme des gnostiques, l’auteur du roman pseudo-clémentin est un strict monothéiste, ou, comme on disait alors, un monarchien[3]. Dieu est l’être dont l’essence ne convient qu’à lui seul[4]. Le Fils lui est par nature inférieur. Ces idées, fort analogues à celles de pseudo-Hermas[5], furent longtemps la base de la théologie romaine[6]. Loin que ce fussent là des pensées révolutionnaires, c’étaient à Rome les théories conservatrices. C’était au fond la théologie des nazaréens et des ébionites, ou plutôt de Philon et des esséniens, développée dans le sens du gnosticisme. Le monde est le théâtre de la lutte du bien et du mal. Le bien gagne toujours un peu sur le mal et finira par l’emporter. Les triomphes partiels du bien s’opèrent au moyen de l’apparition de pro-

  1. Homél., ii, iii, xvi.
  2. Ibid., iii, 12-14, 22, 26-27 ; xvii, 18.
  3. Ibid., xi, 14. Comp. Tertullien, Adv. Prax., 3.
  4. Hom., xvi, 15-17.
  5. Pastor, simil. v. Comme l’auteur du Pasteur, l’auteur du roman pseudo-clémentin ne nomme jamais Jésus par son nom, il l’appelle toujours « le prophète » ou « le vrai prophète ». Lettre à Jacques, 11.
  6. Eusèbe, H. E., V, 28.