Page:Renan - Ma soeur Henriette, Calmann-Levy, 1895.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour mon travail était extrême. Je l’ai vue, le soir, durant des heures à côté de moi, respirant à peine pour ne pas m’interrompre ; elle voulait cependant me voir, et toujours la porte qui séparait nos deux chambres était ouverte. Son amour était arrivé à quelque chose de si discret et de si mûr que la communion secrète de nos pensées lui suffisait. Elle, si exigeante de cœur, si jalouse, se contentait de quelques minutes par jour pourvu qu’elle fût assurée d’être seule aimée. Grâce à sa rigoureuse économie, elle me fit, avec des ressources singulièrement limitées, une maison où rien ne manqua jamais, et qui même avait son charme austère. Nos pensées étaient si parfaitement à l’unisson que nous avions à peine besoin de nous les communiquer. Nos vues générales sur le monde et sur Dieu étaient identiques. Il n’y avait nuance si délicate dans les théories que je mûrissais à cette époque qu’elle ne com-