Page:Renan - Ma soeur Henriette, Calmann-Levy, 1895.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.

barrassés, elle vit que je cherchais timidement à dissimuler le défaut d’un vêtement usé. Elle pleura ; la vue de ce pauvre enfant destiné à la misère, avec d’autres instincts, lui serra le cœur. Elle résolut d’accepter le combat de la vie, et s’imposa la tâche de combler à elle seule l’abîme que la mauvaise fortune de notre père avait creusé devant nous.

Le travail manuel d’une jeune fille était pour cela tout à fait insuffisant. La carrière qu’elle embrassa fut la plus amère de toutes. Il fut résolu que nous retournerions à Tréguier et qu’elle y exercerait les fonctions d’institutrice. De toutes les conditions qu’une personne bien élevée et sans fortune peut choisir, l’éducation des femmes dans une petite ville de province est sans contredit celle qui demande le plus de courage. On était aux premiers temps qui suivirent la révolution de 1830. Ce fut pour ces provinces écartées un