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hel. Il fut constaté que c’était celui de notre père. Quelle fut la cause de sa mort ? Fut-il surpris par un de ces accidents si communs dans la vie de l’homme de mer ? S’oublia-t-il dans un de ces longs rêves d’infini qui, chez les races bretonnes, confinent au sommeil sans fin ? Crut-il avoir mérité le repos ? Trouvant qu’il avait assez lutté, s’assit-il sur le rocher en disant : « Celle-ci sera la pierre de mon repos pour l’éternité ; ici je reposerai, car je l’ai choisie ? » Nous ne le savons pas. On le déposa dans le sable, où deux fois par jour les flots viennent le visiter ; je n’ai pas encore pu élever là une pierre pour dire au passant ce que je lui dois. La douleur de ma sœur fut profonde. Elle tenait sa nature de notre père ; elle l’aimait tendrement. Chaque fois qu’elle en parlait, c’était avec larmes. Elle était persuadée que son âme si éprouvée fut toujours juste et pure aux yeux de Dieu.