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leur demander du vin de quinquina, qu’elles seules savaient faire en Syrie ; mais je sentais moi-même l’incohérence de ma lettre. Il ne semble pas que nous eussions ni l’un ni l’autre un sentiment bien précis de la gravité de notre mal. Je décidai que nous partirions pour la France le jeudi suivant : « Oui, oui, partons, dit-elle avec une pleine confiance. — Oh ! malheureuse, dit-elle à un autre moment, je vois que je suis destinée à souffrir beaucoup. » Un de ces deux jours, vers le moment du soleil couchant, elle put encore aller d’une chambre à l’autre. Elle s’étendit sur le canapé du salon où je couchais et travaillais d’ordinaire. Les volets étaient ouverts, nos yeux tournés vers le Djébel-Mousa. Elle eut à ce moment un pressentiment de sa fin, mais non pas d’une fin si prochaine. Ses yeux se mouillèrent de larmes ; sa figure, exténuée de souffrances, reprit un peu de couleur, et elle jeta avec moi