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curé, espèce de fou qui avait la prétention de nous soigner. On m’a assuré que ma sœur ne donna absolument aucun signe de connaissance pendant tout ce temps. Le docteur Suquet, auquel on laissa naturellement la direction des soins à nous donner, reconnut bientôt, hélas ! qu’il était trop tard pour elle. Toute tentative pour provoquer une réaction fut inutile. Le sulfate de quinine, qui, administré à haute dose, est le remède suprême de ces crises terribles, ne put être absorbé. Oh ! se peut-il que quelques heures plus tôt ces soins nouveaux l’eussent sauvée ! Une pensée cruelle du moins me poursuivra toujours. C’est que si nous fussions restés à Beyrouth, la crise n’eût pas sans doute été évitée, mais que, selon toutes les probabilités, le docteur Suquet, appelé à temps, aurait su en triompher.

Toute la journée du lundi, ma noble et tendre amie alla s’éteignant. Elle expira le mardi 24 septembre, à trois heures du matin. Le curé maronite, appelé au dernier moment, lui fit des onctions selon son rite. Il ne manqua pas près de son cadavre de larmes sincères :