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fut prise de vives souffrances. Je la fis reposer dans la pauvre case du curé ; plus loin, pendant que j’allais recueillir les inscriptions, elle essaya de dormir dans un oratoire. Mais les femmes du pays ne lui laissèrent pas de repos ; elles venaient la voir, la toucher. Enfin nous atteignîmes Toula. Là, elle passa deux jours dans d’atroces douleurs. Nous étions dénués de tout secours ; la grossière simplicité des habitants ajoutait à son supplice. N’ayant jamais vu d’Européen, ils envahissaient la maison, et, pendant que je sortais pour mes recherches, ils la tourmentaient d’une façon insupportable. Dès qu’elle put se tenir à cheval, nous gagnâmes Amschit, où elle éprouva quelque soulagement. Mais son œil gauche était atteint ; la vision de cet œil était affaiblie et par moments elle souffrait d’une véritable diplopie.

L’énorme chaleur qu’il faisait sur toute la côte et l’état de fatigue où nous étions me décidèrent à aller fixer notre résidence à Ghazir, point situé à une grande hauteur au-dessus de la mer, au fond de la baie de Kesrouan. Nous primes congé de nos bonnes