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s’écrie volontiers : « Comment chanter le cantique du Seigneur sur la terre étrangère ! » Pour comble de malheur, les premières maisons où le sort la conduisit n’étaient pas dignes d’elle. Qu’on se figure une tendre jeune fille, n’ayant jamais quitté sa pieuse petite ville, sa mère, ses amies, jetée tout à coup dans un de ces pensionnats frivoles où ses idées sérieuses sont à chaque moment blessées, où elle ne trouve chez les directrices que légèreté, insouciance, sordide intérêt. Elle avait gardé de cette première expérience des jugements fort sévères contre les maisons d’éducation de femmes à Paris. Vingt fois elle fut sur le point de repartir ; il fallut son invincible courage pour rester.

Peu à peu, cependant, elle fut appréciée. La direction des études d’une maison d’éducation, cette fois très honnête, lui fut confiée : mais les obstacles qu’elle trouva pour la réalisation de ses vues dans les petitesses inséparables d’établissements privés, presque toujours soutenus par leurs propriétaires en vue de gains chétifs, l’empêchèrent de jamais prendre beaucoup de goût à ce genre d’ensei-