Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou des circonstances, mais d’une conviction intime, d’une volonté libre et personnelle, m’est devenue nécessaire. Et cette résolution, comment l’aurai-je ? Tu as paru conclure du silence que je gardais sur ces pénibles questions, que les irrésolutions avaient enfin disparu de mon cœur. Hélas ! ma bonne Henriette, que ce silence rendait mal ma pensée habituelle ! Mais aussi pourquoi répéter toujours de tristes pensées, dont le remède n’est pas au pouvoir de l’homme ? Dans ces pénibles alternatives, mon grand mot est toujours celui de l’irrésolu : attendre, attendre encore. Je commence pourtant à sentir qu’il n’est plus de saison. Serait-ce quand, par mes délais, j’aurais fermé toutes les issues, que je voudrais retourner en arrière ? J’ai donc dû tourner mes souhaits vers une position qui me laissât la liberté et l’expectative et servît en même temps à adoucir la transition et à m’ouvrir quelque issue, dans le cas où le devoir m’obligerait à reculer. Concilier ces deux choses, tel est maintenant le but de tous mes projets, et, pour les réaliser, c’est vers toi, ma bonne Henriette, vers toi, à qui je dois