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Mais, ma pauvre Henriette, je t’avoue que c’est pour moi une pensée bien pénible de songer que c’est au prix de tes fatigues et de ton exil que nous goûtons tout ce bonheur. Cette pensée m’empêche de m’y livrer sans une sorte de scrupule. Quand donc cesseras-tu d’être la seule à ne pas jouir de tes travaux ?

Adieu, mon excellente Henriette. Je remercie le ciel de m’avoir donné, dans ton amitié, la compensation de bien des peines, et, dans la confiance dont je peux user envers toi, une ample compensation de la réserve et du silence imposé à mon cœur dans ma vie habituelle. Je calcule les jours qui s écouleront avant que tu reçoives ma causerie, et je cherche à en induire l’époque où je puis espérer une réponse. Tu conçois combien je la désire. Adieu encore une fois. Celui qui m’a donné mon affection pour toi comprend seul combien elle est vive.

E. RENAN