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très profonds. Tréguier, la petite ville où nous sommes nés, est une ancienne ville épiscopale, riche en poétiques impressions. Ce fut une de ces grandes cités monastiques, à la façon galloise et irlandaise, fondées par les émigrés bretons du vie siècle. Elle eut pour père un abbé Tual ou Tugdual. Quand Noménoé, au ixe siècle, voulant fonder une nationalité bretonne, transforma en évêchés tous ces grands monastères de la côte du Nord, le Pabu-Tual, ou monastère de Saint-Tual, fut du nombre. Au xvie siècle et au xviie siècle, Tréguier devint un centre ecclésiastique assez considérable et le rendez-vous d’une petite noblesse locale. À la Révolution, l’évêché fut supprimé ; mais, après le rétablissement du culte catholique, les vastes constructions que la ville possédait en refirent un centre ecclésiastique, une ville de couvents et d’établissements religieux. La vie bourgeoise s’y est peu développée. Les rues, sauf une ou deux, sont de longues allées désertes, formées par de hauts murs de couvents, ou par d’anciennes maisons canoniales, entourées de jardins. Un air général de distinction perce partout, et donne à cette pauvre ville morte