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bonne Henriette, ta dernière lettre m’est parvenue le jour, je dirai presque à l’heure même, où, après de longues et pénibles incertitudes, je venais de faire le premier pas de la carrière ecclésiastique. L’avant-veille, j’étais encore dans l’hésitation la plus accablante ; maman, personne au monde, excepté celui avec qui j’en devais conférer, n’en savait rien. Je ne ferais que te répéter ce que je t’ai si souvent dépeint, si je voulais te représenter les pensées et les impressions qui se sont succédé dans mon âme, à l’occasion de cette démarche importante. Je ne l’ai faite que parce que je voyais que ne la pas faire, c’était faire la démarche contraire, à laquelle après tout je me sentais plus opposé. J’ai donc dû me décider : d’autant plus que l’engagement que je contractais n’avait encore absolument rien d’irrévocable devant Dieu et devant les hommes : ce n’était tout au plus que l’expression d’une intention actuelle, sauf l’avenir ; or, cette intention, ma conscience me la témoignait. D’ailleurs, je le répète, reculer encore une fois devant ce pas si peu décisif eût été faire en arrière le pas le plus décisif, eu égard aux