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tant qu’à être séparée de ses enfants, il est impossible que nulle part elle soit mieux.

J’en viens maintenant, ma bonne Henriette, à ce qui me concerne personnellement, et vais commencer par te dire quelques mots de la nouvelle maison que j’habite. Elle ne ressemble guère aux deux par lesquelles j’ai déjà passé. Le régime y est plus large et plus général qu’à Issy. Tout ce qui sentait encore à Issy la maison d’éducation est ici éliminé ; en effet, ce sont tous des jeunes gens de vingt à trente ans, ayant, pour la plupart, terminé leurs études ecclésiastiques, et travaillant en leur particulier. Aussi chacun a-t-il, pour ainsi dire, sa vie particulière. Le ton des élèves est excellent ; ce sont des égards parfaits, mais une froideur et une indifférence remarquables. L’immense majorité venant des provinces pour y passer un ou deux ans, on se soucie peu d’y faire des connaissances, qu’on ne reverrait plus. C’est donc une vie absolument particulière. D’ailleurs, on est si nombreux (environ deux cent vingt), qu’on se voit à peine l’un l’autre tous les deux ou trois mois. Tu peux juger, d’après cela, que les intimités sont rares. Tu