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est si difficile de rencontrer hors de soi. Je crois que c’est par un effet tout spécial de bienveillance, que Dieu a ménagé à l’homme, dans les jouissances et l’abandon de la famille, une compensation aux contraintes auxquelles il est nécessairement soumis par les conditions de la société. J’éprouve souvent beaucoup de plaisir à rêver à ces vieux temps où elle constituait l’unique lien social. On a, dit-on, beaucoup progressé depuis : en vérité, tout est relatif.

Une consolation un peu moins chimérique est celle que j’éprouve à songer qu’avant peu je jouirai de ma bonne mère et de notre cher Alain. Jamais, je crois, je n’avais désiré avec tant d’empressement de les revoir. Les itinéraires sont déjà dressés. Il est décidé que j’irai directement à Tréguier et que, vers la fin des vacances, nous nous rendrons, maman et moi, à Saint-Malo. Maman y fera quelque séjour après mon départ. Serait-ce ici un acheminement à une réunion plus décisive ? Je me permettrais de l’espérer, si les considérations pleines de prudence dont tu me faisais part en ta dernière lettre ne me rendaient bien