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sont poussés à l’extrême, où il faut sans cesse renoncer à ses goûts et faire le sacrifice d’études chéries pour surveiller ou accompagner des élèves dont l’instruction est souvent hérissée de difficultés par la faiblesse de leurs parents. Elle exige moins de travaux et de fatigue que la carrière de l’enseignement public, et cependant, je crois que, pour un homme, cette dernière est bien préférable.

Je ne cherche, mon pauvre ami, à t’embellir aucun tableau ; partout, hélas ! je me vois forcée de dire que vivre c’est souffrir et combattre, que se faire un sort est une chose difficile. Cependant, il ne faut pas perdre courage, bien au contraire : si la route est pénible, nous avons beaucoup de forces pour en franchir les obstacles. Avoir en tout une conscience droite, un but louable, une volonté ferme et constante, c’est avoir déjà acquis le fonds principal sur lequel l’édifice doit reposer. Quoi qu’il arrive, mon bon, mon cher Ernest, tu auras, en tout cas, une coopération active et dévouée. Malheureusement ce que je puis est bien borné ; mais du moins ce peu-là ne te faillira jamais. Courage, mon ami,