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me le défend. Mais il me faut, pour l’empêcher, recueillir toutes les forces dont je suis capable. Car je t’assure bien du fond de mon âme, que s’il ne s’agissait que de mon bonheur, je consentirais volontiers à être malheureux toute ma vie, plutôt que de lui causer une heure de déplaisir.

Continue, je t’en prie, ma bonne Henriette, à m’entretenir avec toute ta franchise. Dis-moi ta pensée tout entière et ne crains pas d’indiscrétion. Tu peux me faire parvenir les lettres directement : elles ne sont point ouvertes ; d’ailleurs nous pouvons aller les prendre chez le concierge, à l’heure où le courrier les remet. Je t’envoie cette lettre par l’entremise d’Alain : l’affranchissement jusqu’à la frontière est une affaire trop compliquée pour l’esprit du domestique que je suis obligé d’en charger ; j’ai toutes les peines du monde à la lui faire comprendre et plus de crainte encore qu’il ne sache pas l’exécuter.

L’étude de la philosophie et de la physique qui m’occupe cette année continue à avoir pour moi le même attrait et m’est un véritable soutien. Ce que tu me dis dans ta lettre des charmes de l’étude est d’une ravissante vérité,