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et tranquille, pour une vie d’étude et de réflexion. Toutes les occupations ordinaires des hommes me paraissent fades et insipides, leurs plaisirs feraient mon ennui, les mobiles qui les gouvernent dans leurs diverses conditions ne m’inspirent que du dégoût : d’où je conclus sans hésiter que je ne suis pas fait pour elles.

La carrière de l’instruction elle-même, quoique mieux accommodée à mes goûts studieux et sédentaires, me répugne par les manœuvres qu’elle nécessite pour sortir de la poussière de l’enseignement élémentaire. Mais, me diras-tu, l’état ecclésiastique t’offre-t-il plus de facilité pour te livrer à tes goûts chéris ? Hélas ! ma bonne Henriette, je te le répète, je ne me flatte point le tableau : j’ai vu et je vois encore les choses de trop près pour me livrer à des illusions, qui seraient désormais impardonnables comme provenant d’une irréflexion manifeste. Mais, que veux-tu donc que je fasse ? Une de ces carrières toutes remplies d’occupations extérieures répugne à mes goûts ; là, on ne vit point avec soi, on ne réfléchit pas, on est étranger à soi-