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puis t’exprimer tout ce que sa lecture répétée a fait naître en mon âme de sentiments contraires, de désirs qui se combattent.

Depuis longtemps, j’avais commencé à regarder d’un œil sérieux ce qu’auparavant je n’avais fait qu’entrevoir, ce que j’avais même évité d’approfondir : ta lettre est venue me plonger plus avant encore dans ces importantes réflexions.

Le tableau que tu me traces des innombrables difficultés auxquelles m’expose le choix de l’état ecclésiastique, n’offre aucun trait que mon imagination ne m’eût déjà présenté. Une autorité ombrageuse et souvent crédule, un lien indissoluble, l’obligation (si c’en est une) de suivre les voies tracées, fussent-elles les moins droites, la nécessité d’appeler ses frères et ses collègues ceux que souvent on est forcé de mépriser, tout cela m’avait apparu, grossi même peut-être par la surprise de l’imagination étonnée de trouver des difficultés là où auparavant elle ne voyait nul obstacle. La singulière conformité de la peinture que tu m’en fais avec les impressions qui me dominaient m’a étonnamment frappé,