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pour qui je n’ai rien de caché, qu’il y a bien des choses que l’opinion a classées dans l’esprit de cet état et qui jamais ne sauraient entrer dans le mien ; que si j’étais condamné à vivre avec plusieurs de mes futurs collègues, dont je connais la frivolité, la duplicité, le caractère courtisan et rampant, j’aimerais mieux vivre à jamais séparé des hommes. Je ne me suis pas caché que je me soumettais à une autorité quelquefois ombrageuse, et qui ne me fera jamais plier si en pliant il faut faire une bassesse. Mais ces énormes inconvénients, je les rencontrais ailleurs, avec mille autres qui méritaient moins d’être appelés inconvénients qu’impossibilités ; j’ai cru remarquer qu’aucun autre état ne me mettait plus à portée de me livrer à mes goûts. Une vie retirée, libre, indépendante des volontés ou caprices d’un autre, utile toutefois, en un mot une vie d’études et de travail, tel est depuis longtemps mon but et mon désir. J’ai cru découvrir avec certitude que je n’étais pas fait pour vivre dans ce que l’on appelle vulgairement le monde, c’est-à-dire les cercles et les salons. Il faut pour cela tout ce que je n’ai