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matiques. C’est une chose singulière que la révélation que ces études opèrent dans l’esprit au sortir des études frivoles de la rhétorique. On y fait autant de chemin en un an que le genre humain en un siècle. On voit les choses d’une manière si différente ; on reconnaît tant de préjugés et d’erreurs, là où l’on ne croyait voir que vérité, qu’on serait tenté d’embrasser un scepticisme universel. C’est là la première impression de l’étude de la philosophie. On est frappé de l’incertitude des connaissances humaines et du peu de fonds de toutes les opinions qui ne sont fondées que sur la raison. On serait porté à douter de tout, si la nature le permettait et si rejeter toute vérité n’était pas plus absurde encore que d’embrasser toutes les erreurs. C’est là, il est vrai, un résultat bien négatif et peut-être faudrait-il être sobre de louanges envers la philosophie, si elle n’avait d’autre effet que d’ébranler toute conviction. Mais elle en a d’autres infiniment précieux, surtout quand on y joint l’étude des mathématiques qu’on ne doit jamais en séparer, non plus que la physique. Elle forme à une raison inflexible, elle apprend à tout voir