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traduite et frelatée. Je ne parlerai pas de Gerbert, dont les voyages parmi les musulmans sont chose fort douteuse ; mais, dès le onzième siècle, Constantin l’Africain est supérieur en connaissances à son temps et à son pays, parce qu’il a reçu une éducation musulmane. De 1130 à 1150, un collège actif de traducteurs, établi à Tolède sous le patronage de l’archevêque Raymond, fait passer en latin les ouvrages les plus importants de la science arabe. Dès les premières années du treizième siècle, l’Aristote arabe fait dans l’Université de Paris son entrée triomphante. L’Occident a secoué son infériorité de quatre ou cinq cents ans. Jusqu’ici l’Europe a été scientifiquement tributaire des musulmans. Vers le milieu du treizième siècle, la balance est incertaine encore. A partir de 1275 à peu près, deux mouvements apparaissent avec évidence : d’une part, les pays musulmans s’abîment dans la plus triste décadence intellectuelle ; de l’autre, l’Europe occidentale entre résolument pour son compte dans cette grande voie de la recherche scientifique de la vérité, courbe immense dont l’amplitude ne peut pas encore être mesurée.

Malheur à qui devient inutile au progrès humain ! Il est supprimé presque aussitôt. Quand la science dite arabe a inoculé son germe de vie à l’Occident latin, elle disparaît. Pendant qu’Averroès arrive dans les écoles latines à une célébrité presque égale à celle d’Aristote, il est oublié chez ses coreligionnaires. Passé l’an 1200 à peu près, il n’y a plus un seul phi-