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mettait au ban de l’humanité d’alors. Ce fut par ces traductions arabes des ouvrages de science et de philosophie grecque que l’Europe reçut le ferment de tradition antique nécessaire à l’éclosion de son génie.

En effet, pendant qu’Averroès, le dernier philosophe arabe, mourait à Maroc, dans la tristesse et l’abandon, notre Occident était en plein éveil. Abélard a déjà poussé le cri du rationalisme renaissant. L’Europe a trouvé son génie et commence cette évolution extraordinaire, dont le dernier terme sera la complète émancipation de l’esprit humain. Ici, sur la montagne Sainte-Geneviève, se créait un sensorium nouveau pour le travail de l’esprit. Ce qui manquait, c’étaient les livres, les sources pures de l’antiquité. Il semble au premier coup d’œil qu’il eût été plus naturel d’aller les demander aux bibliothèques de Constantinople, où se trouvaient les originaux, qu’à des traductions souvent médiocres en une langue qui se prêtait peu à rendre la pensée grecque. Mais les discussions religieuses avaient créé entre le monde latin et le monde grec une déplorable antipathie ; la funeste croisade de 1204 ne fit que l’exaspérer. Et puis, nous n’avions pas d’hellénistes ; il fallait encore attendre trois cents ans pour que nous eussions un Lefèvre d’Étaples, un Budé.

A défaut de la vraie philosophie grecque authentique, qui était dans les bibliothèques byzantines, on alla donc chercher en Espagne une science grecque mal