sulmans amènent à la cour, d’étranges réactions ; le calife, à certains moments, se fait dévot et sacrifie ses amis infidèles ou libres penseurs ; puis le souffle de l’indépendance reprend le dessus ; alors le calife rappelle ses savants et ses compagnons de plaisir, et la libre vie recommence, au grand scandale des musulmans puritains.
Telle est l’explication de cette curieuse et attachante civilisation de Bagdad, dont les fables des Mille et une Nuits ont fixé les traits dans toutes les imaginations ; mélange bizarre de rigorisme officiel et de secret relâchement, âge de jeunesse et d’inconséquence, où les arts sérieux et les arts de la vie joyeuse fleurissent grâce à la protection des chefs mal pensants d’une religion fanatique ; où le libertin, bien que toujours sous la menace des plus cruels châtiments, était flatté, recherché à la cour. Sous le règne de ces califes, parfois tolérants, parfois persécuteurs à regret, la libre pensée se développa ; les motecallemîn ou « disputeurs » tenaient des séances où toutes les religions étaient examinées d’après la raison. Nous avons en quelque sorte le compte rendu d’une de ces séances fait par un dévot. Permettez-moi de vous le lire, tel que M. Dozy l’a traduit.
Un docteur de Kairoan demande à un pieux théologien espagnol, qui avait fait le voyage de Bagdad, si, pendant son séjour dans cette ville, il avait assisté aux séances des motecallemîn. « J’y ai assisté deux fois, répond l’Espagnol, mais je me suis bien gardé