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une physionomie universelle), — puis le judaïsme, qui, d’après une certaine conception, serait la religion d’un pays, le pays d’Israël ou le pays de Juda, conservée par les descendants des habitants de ce pays.

Eh bien, je le répète, cela demande à être examiné d’excessivement près. Que la religion israélite, que le judaïsme ait été à l’origine une religion nationale, cela est absolument hors de doute. C’est la religion des Beni-Israël, laquelle, pendant des siècles, n’a pas été essentiellement différente de celle des peuples voisins, des Moabites, par exemple. Iahveh, le dieu israélite, protège Israël, comme Chamos, le dieu moabite, protège Moab. Nous savons maintenant fort bien quelle était la manière de sentir en religion d’un Moabite, depuis la découverte de cette inscription du roi Méscha qui est au Louvre, et dans laquelle ce roi du IXe siècle avant Jésus-Christ nous fait en quelque sorte ses confidences religieuses. Je crois bien que les idées de David étaient à peu près les mêmes. Il y a une association intime entre Méscha et son dieu Chamos : Chamos intervient dans toutes les circonstances de la vie du roi, lui donne des ordres, des conseils ; toutes les victoires, c’est Chamos qui les remporte ; le roi lui fait de beaux sacrifices et traîne devant lui la vaisselle sacrée des dieux vaincus. Il rémunère le dieu en proportion de ce que le dieu lui a donné ; c’est la religion du prêté-rendu. La religion d’Israël, elle aussi, a sans doute été bien longtemps une religion égoïste, intéressée, la religion d’un dieu particulier, Iahveh.