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un troisième, toi qui détruis le temple de Dieu, et le rebâtis en trois jours, sauve-toi, voyons ! » — Quelques-uns, vaguement au courant de ses idées apocalyptiques, crurent l’entendre appeler Élie, et dirent : « Voyons si Élie viendra le délivrer. » Il paraît que les deux voleurs crucifiés à ses côtés l’insultaient aussi. Le ciel était sombre ; la terre, comme dans tous les environs de Jérusalem, sèche et morne. Un moment, selon certains récits, le cœur lui défaillit ; un nuage lui cacha la face de son Père ; il eut une agonie de désespoir, plus cuisante mille fois que tous les tourments. Il ne vit que l’ingratitude des hommes ; il se repentit peut-être de souffrir pour une race vile, et il s’écria : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais son instinct divin l’emporta encore. À mesure que la vie du corps s’éteignait, son âme se rassérénait et revenait peu à peu à sa céleste origine. Il retrouva le sentiment de sa mission ; il vit dans sa mort le salut du monde ; il perdit de vue le spectacle hideux qui se déroulait à ses pieds, et, profondément uni à son Père, il commença sur le gibet la vie divine qu’il