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raconta que Jean, dès la première vue de Jésus, le proclama Messie ; qu’il se reconnut son inférieur, indigne de délier les cordons de ses souliers ; qu’il se refusa d’abord à le baptiser et soutint que c’était lui qui devait l’être par Jésus. C’étaient là des exagérations, que réfutait suffisamment la forme dubitative du dernier message de Jean. Mais, en un sens plus général, Jean resta dans la légende chrétienne ce qu’il fut en réalité, l’austère préparateur, le triste prédicateur de pénitence avant les joies de l’arrivée de l’époux, le prophète qui annonce le royaume de Dieu et meurt avant de le voir. Géant des origines chrétiennes, ce mangeur de sauterelles et de miel sauvage, cet âpre redresseur de torts, fut l’absinthe qui prépara les lèvres à la douceur du royaume de Dieu. Le décollé d’Hérodiade ouvrit l’ère des martyrs chrétiens ; il fut le premier témoin de la conscience nouvelle. Les mondains, qui reconnurent en lui leur véritable ennemi, ne purent permettre qu’il vécût ; son cadavre mutilé, étendu sur le seuil du christianisme, traça la voie sanglante où tant d’autres devaient passer après lui.