Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la parole de Dieu ? Et qu’on réponde oui ou non, le problème prétendu de l’accord de la foi et de la raison, supposant deux puissances égales qu’il s’agit de concilier, n’a pas de sens ; car dans le premier cas, la raison disparaît devant la foi, comme le fini devant l’infini, et les orthodoxes les plus sévères ont raison ; dans le second, il n’y a plus que la raison, se manifestant diversement et néanmoins toujours identique à elle-même (32).

C’est vous qui êtes les sceptiques, et nous qui sommes les croyants. Nous croyons à l’œuvre des temps modernes, à sa sainteté, à son avenir, et vous la maudissez. Nous croyons à la raison, et vous l’insultez ; nous croyons à l’humanité, à ses divines destinées, à son impérissable avenir, et vous en riez ; nous croyons à la dignité de l’homme, à la bonté de sa nature, à la rectitude de son cœur, au droit qu’il a d’arriver au parfait, et vous secouez la tête sur ces consolantes vérités, et vous vous appesantissez complaisamment sur le mal, et les plus saintes aspirations au céleste idéal, vous les appelez œuvres de Satan, et vous parlez de rébellion, de péché, de châtiment, d’expiation, d’humiliation, de pénitence, de bourreau à celui à qui il ne faudrait parler que d’expansion et de déification. Nous croyons à tout ce qui est vrai ; nous aimons tout ce qui est beau (33) ; et vous, les yeux fermés sur les charmes infinis des choses, vous traversez ce beau monde sans avoir pour lui un sourire. Le monde est-il donc un cimetière, la vie une cérémonie funèbre ? Au lieu de la réalité, nous aimez une abstraction. Qui est-ce qui nie, de vous ou de nous ? Et celui qui nie n’est-il pas le sceptique ?

Notre rationalisme n’est donc pas cette morgue analytique, sèche, négative, incapable de comprendre les