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a à sa disposition le Saint-Esprit. Je ne connais qu’une seule contradiction plus flagrante que celle-ci : c’est un pape constitutionnel.

Il reste un vaste champ, direz-vous, dans les vérités naturelles que Dieu a livrées à la dispute des hommes. Vaste ! quand vous prélevez Dieu, l’homme, l’humanité, les origines de l’univers. Je le trouve bien étroit, bon tout au plus pour ceux qui au besoin de croire ajoutent celui de disputer. Vous croyez me faire une grâce en me permettant de m’exercer sur quelques points non définis, en me jetant le monde comme une matière à dispute, en m’avertissant bien par avance que du premier mot jusqu’au dernier je n’y entendrai rien. La science n’est pas une dispute d’esprits oisifs sur quelques questions laissées pour servir d’aliment à leur goût pour la controverse. Quel est l’esprit élevé qui voudrait consacrer sa vie à cet humble et abrutissant labeur ? J’hésite à le dire, car, pour prévenir les objections que l’on peut ici m’adresser, il faudrait de longues explications et de nombreuses restrictions : la science profane, dans un système quelconque de révélation franchement admis, ne peut être qu’une dispute (15). L’essentiel est donné ; la seule science sérieuse sera celle qui commentera la parole révélée, toute autre n’aura de prix qu’en se rattachant à celle-là. Les orthodoxes ont en général peu de bonne foi scientifique. Ils ne cherchent pas, ils tâchent de prouver, et cela doit être. Le résultat leur est connu d’avance ; ce résultat est vrai, certainement vrai. Il n’y a là rien à faire pour la science, qui part du doute sans savoir où elle arrivera, et se livre pieds et mains liés à la critique qui la mène où elle veut. Je connais très bien la méthode théologique, et je puis affirmer que ses procédés sont directement contraires