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pars hæreditatis meæ, et j’aime à songer que je l’ai prononcée dans une cérémonie religieuse. Les cheveux ont repoussé sur ma tête mais toujours je fais partie de la sainte milice des déshérites de la terre. Je ne me tiendrai pour apostat que le jour où des intérêts usurperaient dans mon âme la place des choses saintes, le jour où, en pensant au Christ de l’Évangile, je ne me sentirais plus son ami, le jour où je prostituerais ma vie à des choses inférieures, et où je deviendrais le compagnon des joyeux de la terre.

Funes ceciderunt mihi in præclaris. Mon lot sera toujours avec les déshérités ; je serai de la ligue des pauvres en esprit. Que tous ceux qui adorent encore quelque chose s’unissent par l’objet qu’ils adorent. Le temps des petits hommes et des petites choses est passé ; le temps des saints est venu. L’athée, c’est l’homme frivole ; les impies, les païens, ce sont les profanes, les égoïstes, ceux qui n’entendent rien aux choses de Dieu ; âmes flétries qui affectent la finesse et rient de ceux qui croient ; âmes basses et terrestres, destinées à jaunir d’égoïsme et à mourir de nullité. Comment, ô disciples du Christ, faites-vous alliance avec ces hommes ? Oh ne vaudrait-il pas mieux nous asseoir les uns et les autres à côté de la pauvre humanité, assise morne et silencieuse sur le bord du chemin poudreux, pour relever ses yeux vers le doux ciel qu’elle ne regarde plus ? Pour nous, le sort en est jeté et quand même la superstition et la frivolité, désormais inséparables et auxiliaires l’une de l’autre, parviendraient à engourdir pour un temps la conscience humaine, il sera dit qu’en ce xixe siècle, le siècle de la peur, il y eut encore quelques hommes qui, nonobstant le mépris vulgaire, aimèrent à être appelés des hommes de l’autre monde ;