qu’une seule classe d’hommes capables de l’écrire : ce sont les savants brisés par une longueCulture intellectuelle à toutes les finesses de la critique.
La science et la philosophie doivent conserver leur haute indépendance, c’est-à-dire ne poursuivre que le vrai dans toute son objectivité, sans s’embarrasser d’aucune forme populaire ou mondaine. La science de salon est tout aussi peu la vraie science que la science des petits traités pour le peuple. La science se dégrade, du moment où elle s’abaisse à plaire, à amuser, à intéresser, du moment où elle cesse de correspondre directement, comme la poésie, la musique, la religion, à un besoin désintéressé de la nature humaine. Combien est rare, parmi nous, ce culte pur de toutes les parties de l’âme humaine ? Groupant à part et comme en une gerbe inutile les soins religieux, nous faisons l’essentiel de la vie des intérêts vulgaires. Savoir, dit-on, ne sert point à faire son salut ; savoir ne sert point à faire sa fortune, donc, savoir est inutile (171).
Le grand malheur de la société contemporaine est que la culture intellectuelle n’y est point comprise comme une chose religieuse ; que la poésie, la science, la littérature, y sont envisagées comme un art de luxe qui ne s’adresse guère qu’aux classes privilégiées de la fortune. L’art grec produisait pour la patrie, pour la pensée nationale l’art au xviie siècle produisait pour le roi, ce qui était aussi, en un sens, produire pour la nation. L’art, de nos jours, ne produit guère que sur la commande expresse ou supposée des individus. L’artiste correspond à l’amateur, comme le cuisinier au gastronome. Situation déplorable à une époque surtout où, sauf de rares exceptions, le morcellement de la propriété rend impossible les grandes choses aux particu-