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XVIII


La fin de l’humanité, et par conséquent le but que doit se proposer la politique, c’est de réaliser la plus haute culture humaine possible, c’est-à-dire la plus parfaite religion, par la science, la philosophie, l’art, la morale, en un mot par toutes les façons d’atteindre l’idéal qui sont de la nature de l’homme.

Cette haute culture de l’humanité ne saurait avoir de solidité qu’en tant que réalisée par les individus. Par conséquent, le but serait manqué si une civilisation, quelque élevée qu’elle fût, n’était accessible qu’à un petit nombre, et surtout si elle constituait une jouissance personnelle et sans tradition. Le but ne sera atteint que quand tous les hommes auront accès à cette véritable religion, et que l’humanité entière sera cultivée.

Tout homme a droit à la vraie religion, à ce qui fait l’homme parfait ; c’est-à-dire que tout homme doit trouver dans la société où il naît les moyens d’atteindre la perfection de sa nature, suivant la formule du temps ; en d’autres termes, tout homme doit trouver dans la société, en ce qui concerne l’intelligence, ce que la mère lui fournit en ce qui concerne le corps, le lait, l’aliment primordial, le fond premier qu’il ne peut se procurer lui-même.

Cette perfection ne saurait aller sans un certain degré de bien-être matériel. Dans une société normale, l’homme aurait donc droit aussi au premier fond nécessaire pour se procurer cette vie.