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couverte scientifique. Il sera à tout jamais impossible que le même homme sache manier avec la même habileté le pinceau du peintre, l’instrument du musicien, l’appareil du chimiste. Il y a là une éducation spéciale et une habileté pratique qui, pour passer au rang d’habitude irréfléchie et spontanée, exige une vie entière d’exercice. Mais ce qui pourra devenir possible dans une forme plus avancée de la culture intellectuelle, c’est que le sentiment qui donne la vie à la composition de l’artiste ou du poète, la pénétration du savant et du philosophe, le sens moral du grand caractère, se réunissent pour former une seule âme, sympathique à toutes les choses belles, bonnes et vraies, et pour constituer un type moral de l’humanité complète, un idéal qui, sans se réaliser dans tel ou tel, soit pour l’avenir ce que le Christ a été depuis dix-huit cents ans, un Christ qui ne représenterait plus seulement le côté moral à sa plus haute puissance, mais encore le côté esthétique et scientifique de l’humanité.

Au fond, toutes ces catégories des formes pures perçues par l’intelligence ne constituent que des faces d’une même unité. La divergence ne commence qu’à une région inférieure. Il y a un grand foyer central où la poésie, la science et la morale sont identiques, où savoir, admirer, aimer, sont une même chose, où tombent toutes les oppositions, où la nature humaine retrouve dans l’identité de l’objet la haute harmonie de toutes ses facultés et ce grand acte d’adoration, qui résume la tendance de tout son être vers l’éternel infini. Le saint est celui qui consacre sa vie à ce grand idéal, et déclare tout le reste inutile.

Pascal a supérieurement montré le cercle vicieux nécessaire de la vie positive. On travaille pour le repos, puis le repos est insupportable. On ne vit pas, mais on