Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souvent servi avec succès de la comparaison suivante pour faire comprendre cette vue. Soit une masse de chanvre homogène, que l’on tire en cordelles distinctes ; la masse représentera le syncrétisme, où coexistent confusément tous les instincts ; les cordelles représenteront l’analyse. Si l’on suppose que les cordelles, tout en restant distinctes, soient ensuite entrelacées pour former une corde, on aura la synthèse, qui diffère du syncrétisme primitif, en ce que les individualités bien que nouées en unité y restent distinctes.

Dans une hypothèse que je suis loin de prendre d’une manière dogmatique, mais seulement comme une belle épopée sur le système des choses, la loi de Dieu ne serait pas autre. L’unité primitive était sans vie, car la vie n’existe qu’a la condition de l’analyse et de l’opposition des parties. L’être était comme s’il n’était pas car rien n’y était distinct tout y était sans individualisation ni existence séparée. La vie ne commença qu’au moment où l’unité obscure et confuse se développa en multiplicité et devint univers. Mais l’univers à son tour n’est pas la forme complète ; l’unité n’y est pas assez sensible. Le retour a l’unité s’y opère par l’esprit ; car l’esprit n’est que la résultante unique d’un certain nombre d’éléments multiples. L’histoire de l’être ne sera complète qu’au moment où la multiplicité sera toute convertie en unité, et où, de tout ce qui est sortira une résultante unique qui sera Dieu, comme dans l’homme l’âme est la résultante de tous les éléments qui le composent. Dieu sera alors l’âme de l’univers, et l’univers sera le corps de Dieu, et la vie sera complète ; car toutes les parties de ce qui est auront vécu à part et seront mûres pour l’unité. Le cercle alors sera fermé, et l’être, après avoir traversé le