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intrinsèque des questions. Son grand souci, c’est l’histoire, et surtout l’histoire de l’esprit humain. C’est ici le point de séparation des écoles : on est philosophe, on est croyant, selon la manière dont on envisage l’histoire ; on croit à l’humanité, on n’y croit pas selon le système qu’on s’est fait de son histoire. Si l’histoire de l’esprit humain n’est qu’une succession de systèmes qui se renversent, il n’y a qu’à se jeter dans le scepticisme ou dans la foi. Si l’histoire de l’esprit humain est la marche vers le vrai, entre deux oscillations qui restreignent de plus en plus le champ de l’erreur, il faut bien espérer de la raison. Chacun, de nos jours, est ce qu’il est par la façon dont il entend l’histoire.

L’étude comparée des religions, quand elle sera définitivement établie sur la base solide de la critique, formera le plus beau chapitre de l’histoire de l’esprit humain, entre l’histoire des mythologies et l’histoire des philosophies. Comme les philosophies, les religions répondent aux besoins spéculatifs de l’humanité. Comme les mythologies, elles renferment une large part d’exercice spontané et irréfléchi des facultés humaines. De là leur inappréciable valeur aux yeux du philosophe. De même qu’une cathédrale gothique est le meilleur témoin du moyen âge, parce que les générations ont habité là en esprit ; de même les religions sont le meilleur moyen pour connaître l’humanité ; car l’humanité y a demeuré ; ce sont des tentes abandonnées où tout décèle la trace de ceux qui y trouvèrent un abri. Malheur à qui passe indifférent auprès de ces masures vénérables, à l’ombre desquelles l’humanité s’est si longtemps abritée, et où tant de belles âmes trouvent encore des consolations et des terreurs ! Lors même que le toit serait percé à jour et que l’eau du ciel viendrait