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âmes, poussées par un instinct puissant et irrésistible, qui s’y consacreraient, et la tourbe des intrigants porterait ailleurs ses prétentions. La première condition est déjà remplie ? Pourquoi n’en est-il pas de même pour la seconde ?


XV


Je dois, pour compléter ma pensée et bien faire comprendre ce que j’entends par une philosophie scientifique, donner ici quelques exemples, desquels il ressortira, ce me semble, que les études spéciales peuvent mener à des résultats tout aussi importants pour la connaissance intime des choses que la spéculation métaphysique ou psychologique. Je les emprunterai de préférence aux sciences historiques ou philologiques, qui me sont seules familières, et auxquelles est d’ailleurs spécialement consacré cet essai.

Ce n’est pas que les sciences de la nature ne fournissent des données tout aussi philosophiques. Je ne crains pas d’exagérer en disant que les idées les plus arrêtées que nous nous faisons sur le système des choses ont de près ou de loin leurs racines dans les sciences physiques, et que les différences les plus importantes qui distinguent la pensée moderne de la pensée antique tiennent à la révolution que ces études ont amenée dans la façon de considérer le monde. Notre idée des lois de la nature, laquelle a renversé à jamais l’ancienne conception du monde anthropomorphique, est le grand résultat des sciences physiques,