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comme devant l’arrêter en cinq ans au moyen de ses lois répressives, s’est évidemment trompé, au moins cette fois. Ce qui parait maintenant bien probable, c’est que le socialisme ne finira pas. Mais sûrement le socialisme qui triomphera sera bien différent des utopies de 1848. Un œil sagace, en l’an 300 de notre ère, aurait pu voir que le christianisme ne finirait pas ; mais il aurait dû voir que le monde ne finirait pas non plus, que la société humaine adapterait le christianisme à ses besoins et, d’une croyance destructive au premier chef, ferait un calmant, une machine essentiellement conservatrice.

En politique, la situation n’est pas plus claire. Le principe national a pris depuis 1848 un développement extraordinaire. Le gouvernement représentatif est établi presque partout. Mais des signes évidents de la fatigue causée par les charges nationales se montrent à l’horizon. Le patriotisme devient local ; l’entraînement national diminue. Les nations modernes ressemblent aux héros écrasés par leur armure, du tombeau de Maximilien à Inspruck, corps rachitiques sous des mailles de fer. La France, qui a marché la première dans la voie de l’esprit nationaliste, sera, selon la loi commune, la première à réagir contre le mouvement qu’elle a provoqué.