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des choses, le moyen d’entrer en communication avec elles et d’entendre leur langage. Le jour où la philologie périrait, la critique périrait avec elle, la barbarie renaîtrait, la crédulité serait de nouveau maîtresse du monde.

Cette immense mission que la philologie a remplie dans le développement de l’esprit moderne est loin d’être accomplie ; peut-être ne fait-elle que commencer. Le rationalisme, qui est le résultat le plus général de toute la culture philologique, a-t-il pénètre dans la masse de l’humanité ? Des croyances étranges, qui révoltent le sens critique, ne sont-elles pas encore avalées comme de l’eau par des intelligences même distinguées ? Le sentiment des lois psychologiques est-il généralement répandu, ou du moins exerce-t-il une influence suffisante sur le tour de la pensée et le langage habituel ? La vue saine des choses, laquelle ne résulte pas d’un argument, mais de toute une culture critique, de toute la direction intellectuelle, est-elle le fait du grand nombre ? Le rôle de la philologie est d’achever cette œuvre, de concert avec les sciences physiques. Dissiper le brouillard qui aux yeux de l’ignorant enveloppe le monde de la pensée comme celui de la nature, substituer aux imaginations fantastiques du rêve primitif les vues claires de l’âge scientifique, telle est la fin commune vers laquelle convergent si puissamment ces deux ordres de recherches. Nature, telle est le mot dans lequel ils se résument. Je le répète, tout cela n’est pas le fruit d’une démonstration isolée ; tout cela est le résultat du regard net et franc jeté sur le monde, des habitudes intellectuelles créées par les méthodes modernes. Deux voies, qui n’en font qu’une, mènent à la connaissance directe et pragmatique des choses pour le monde physique, ce sont les sciences physiques ; pour le monde intel-