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religieux et philosophique. Le savant et le professeur diffèrent autant que le fabricant et le débitant. La confusion qu’on en a faite a contribué à jeter une sorte de défaveur sur les branches les plus importantes de la science, sur celles-là même qui, à cause de leur importance, ont mérité d’être choisies pour servir de bases aux études classiques. La mode n’est pas aussi sévère contre des études d’une moindre portée, mais qui n’ont pas l’inconvénient de rappeler autant le collège.

Il faudrait donc s’habituer à considérer l’application que l’on fait de certaines parties de la science, et en particulier de la philologie, aux études classiques comme quelque chose d’accessoire et d’assez secondaire au point de vue de la science. Ce n’est que par rapport à la philosophie positive qui tout a son prix et sa valeur. La légèreté d’esprit, que ne comprend pas la science, le pédantisme, qui la comprend mal et la rabaisse, viennent également de l’absence d’esprit philosophique. Il faut s’accoutumer à chercher le prix du savoir en lui-même, et non dans l’usage qu’on en peut faire pour l’instruction de l’enfance ou de la jeunesse.

Sans doute, par la force des choses, les hommes les plus éminents dans chaque branche de la science seront appelés à les professer, et réciproquement les professeurs auront toujours un don à part. Il est même à remarquer que les noms les plus illustres de la science moderne sont tous ceux de professeurs ; on chercherait en vain parmi les libres amateurs des Heyne, des Bopp, des Sacy, des Burnouf. Ce n’est pas toutefois sans un grave danger que la science deviendrait trop exclusivement une affaire d’écoles. Elle y prendrait des habitudes de pédantisme, qui, en lui donnant une couleur particulière, la tireraient du grand milieu de