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s’abattra sur le monde. Deux prophètes viendront consoler les hommes et préparer le grand avénement. Ces idées couraient le monde et pénétraient jusqu’à Rome, où elles inspiraient un cycle de poëmes prophétiques, dont les idées fondamentales étaient la division de l’histoire de l’humanité en périodes, la succession des dieux répondant à ces périodes, un complet renouvellement du monde, et l’avénement final d’un âge d’or. Le livre de Daniel, le livre d’Hénoch, certaines parties des livres sibyllins, sont l’expression juive de la même théorie. Certes il s’en faut que ces pensées fussent celles de tous. Elles ne furent d’abord embrassées que par quelques personnes à l’imagination vive et portées vers les doctrines étrangères. L’auteur étroit et sec du livre d’Esther n’a jamais pensé au reste du monde que pour le dédaigner et lui vouloir du mal. L’épicurien désabusé qui a écrit l’Ecclésiaste pense si peu à l’avenir, qu’il trouve même inutile de travailler pour ses enfants ; aux yeux de ce célibataire égoïste, le dernier mot de la sagesse est de placer son bien à fonds perdu. Mais les grande choses dans un peuple se font d’ordinaire par la minorité. Avec ses énormes défauts, dur, égoïste, moqueur cruel, étroit, subtil, sophiste, le peuple juif est cependant l’auteur du plus beau mouvement d’enthousiasme désintéressé dont parle l’histoire. L’opposition fait toujours la gloire d’un pays. En un sens, les plus grands hommes d’une nation sont ceux qu’elle met à mort. Socrate a